Des Françaises aux Pays-Bas engagées pour la protection de la planète
Entretien avec Alice-Catherine Collins et Caroline Leclerc
Alice-Catherine, ingénieure chimiste et Caroline, juriste, ont fait des études en Grande-Bretagne. Après avoir travaillé en divers pays et dans diverses entreprises, elles vivent depuis plusieurs années en Hollande septentrionale ou méridionale et sont heureuses d’y vivre, pour la qualité de la vie au quotidien et l’ouverture d’esprit que la communauté internationale trouve aux Pays-Bas. Leur bagage plurilingue et pluriculturel, héritage familial ou acquis professionnel, facilite leur ancrage et leur efficacité dans l’organisation où elles travaillent, pour le bien commun mondial.
- Françaises aux Pays-Bas, vous travaillez à Rotterdam pour The Ocean Cleanup, une ONG d’ingénierie environnementale
Alice : « Plutôt qu’une ONG, The Ocean Cleanup est une fondation à but non lucratif. Elle est installée à Rotterdam parce que son fondateur Boyan Slat est un jeune Néerlandais (né en 1994) mais elle ne représente pas uniquement les Pays-Bas. Entreprise internationale, sa mission est environnementale et vise à résoudre un problème à dimension planétaire, à savoir la pollution des océans par nos déchets. L’objectif est de nettoyer les océans en supprimant, à l’horizon 2040, 90% des plastiques flottants qui les encombrent et asphyxient. »
- D’où vient cette idée relativement récente de nettoyage des océans, alors que le « grand vortex de déchets du Pacifique Nord », énorme masse d’ordures entre Hawaï et la Californie, décharge flottante d’une taille équivalente à trois fois la France continentale et qui ne cesse de croitre, a été identifiée il y aura bientôt trente ans ?
Alice : « L’idée vient de Boyan Slat, confronté à seize ans, lors de plongée sous-marine en Grèce, à la présence de plus de sacs plastique que de poissons. Il a réagi en voulant nettoyer les océans. Sa première idée était d’utiliser un système passif qui utilisait la force des courants pour bloquer les plastiques dans une barrière statique. Très vite avec son équipe, il s’est tourné vers un système actif, utilisant deux bateaux qui tirent une barrière en forme de fer à cheval flottant pour collecter les déchets à la surface de l’océan. Ce n’est qu’en retirant les plastiques qui s’accumulent depuis plusieurs générations, le legacy plastic, que pourra être restaurée intégralement la vie animale et florale (sous)marine et que pourront être restaurés les écosystèmes détruits par l’accumulation de déchets plastiques. Ce système de nettoyage développé par The Ocean Cleanup ne peut pas toutefois, pour l’instant, prendre en compte le nettoyage des micro plastiques, ces très fines particules de moins de 5 mm, que les poissons ingèrent mais aussi nous les humains, dans la suite de la chaîne alimentaire et dans l’eau que nous buvons. »
- The Ocean Cleanup, créé par un jeune de vingt ans est actif depuis un peu plus de dix ans. Qu’a-t-il mis en place ? et quelle évolution dans l’approche du phénomène l’expérience a-t-elle a permis ?
Caroline : « Après s’être concentré sur la décharge flottante du Pacifique Nord, The Ocean Cleanup poursuit sa stratégie de nettoyer les océans de ses déchets accumulés mais prend aussi le phénomène en amont en interceptant les plastiques dans les cours d’eau (fleuves ou rivières), au plus près de la mer. C’est le projet auquel nous participons Alice et moi.
L’évolution de notre organisation est allée des océans vers les cours d’eau d’une part, et d’autre part, d’un outil générique (Intercepteur Original décliné en trois prototypes) à un outil diversifié, adapté aux cours d’eau et à chaque situation de bassin hydrographique.
Notre stratégie d’expansion se concentre sur trente villes traversées par les cours d’eau les plus polluants, pour capitaliser sur les partenariats existants, les relations avec les autorités, la logistique opérationnelle et de gestion des déchets pour accroitre notre impact positif sur l’environnement.
Nous plaçons des barrages pour éviter le déplacement des plastiques que nous enlevons ainsi au plus vite afin d’éviter l’étouffement de la faune et de la flore et pour permettre au pays concerné de trouver les moyens de remédier à l’accumulation des déchets plastiques, due à une gestion des déchets non appropriée.
Il y a bien entendu pour ces pays, un problème de budget, de manque de solutions pour la collection et la gestion des déchets et aussi d’éducation des populations. Il faudrait aussi pouvoir réduire la production de plastiques, proposer des plastiques réutilisables et recyclables, mais là n’est pas notre champ d’action. »
- Quelle est la taille de l’organisation et où opérez-vous ?
Alice/Caroline : « Avec plus de 150 employés, nous sommes une équipe internationale de 26 nationalités, coordonnant des équipes très diverses sur différents terrains. Nous opérons sur des cours d’eau, au plus près des mers, en Asie (Indonésie, Malaisie, Thaïlande, Vietnam) et en Amérique centrale (Guatemala, Jamaïque, Panama, République dominicaine) mais aussi aux États-Unis. Demain nous espérons être présents en Inde et aux Philippines. »
- Comment est financée votre organisation ?
Caroline : « Boyan Slat a commencé par un financement participatif qui a généré plusieurs millions et a su intéresser des investisseurs qui ont cru en son idée. Aujourd’hui, nous avons plusieurs sources qui nous permettent de développer notre projet. Les dons de philanthropes, particuliers ou sociétés, sont complétés par la vente de partenariats aux modalités diverses avec le monde de l’entreprise et de la finance, et par la vente de produits créés à partir de déchets (lunettes, vinyls par exemple). »
- Vous êtes passionnées par votre travail que vous considérez comme une mission…
Oui nous croyons à la mission de notre organisation !
Alice : « Les sujets environnementaux m’ont toujours intéressée, sensible à la nature et au monde du vivant, j’ai été marquée par le constat d’une certaine perte de la diversité environnementale et c’est à l’université que j’ai été séduite par le problème des plastiques. »
Caroline : « C’est une quête de sens dans mon travail qui m’a décidée à quitter les postes professionnels que j’occupais dans la télécommunication, pour me consacrer à la protection de notre planète et mettre mon énergie et mon expertise au service d’une cause vitale. Ma prise de conscience a été suscitée par la lecture d’ouvrages fondamentaux sur notre monde. »
Merci Alice et Caroline pour cet entretien, merci pour votre engagement, merci pour vos explications et l’enthousiasme que vous mettez à développer grâce à votre expertise et au travail d’équipe, de nouveaux moyens pour rendre notre planète plus vivable et éviter l’étouffement du vivant en rendant à l’eau, source de vie, sa qualité.