Le gouvernement néerlandais est démissionnaire depuis janvier 2021, poussé à prendre ses responsabilités dans l’affaire des allocations familiales, scandale de l’administration fiscale ayant accusé à tort de nombreuses familles de fraude, violant ainsi des principes fondamentaux de l’État de droit, selon le rapport de la Commission d’enquête parlementaire. Deux mois plus tard, en mars, ont eu lieu les élections législatives pour élire les 150 députés de la ‘Deuxième Chambre’ (le Sénat étant appelé ‘Première Chambre’) et depuis, on attend toujours la formation du nouveau gouvernement, issu de la nouvelle majorité parlementaire, à partir d’une alliance entre Libéraux (VVD) et Démocrates (D66) à laquelle participeraient, éventuellement, d’autres partis.
La formation du gouvernement est complexe car il y a 18 partis représentés à la chambre, dont 3 n’ont qu’une députée et dont les plus représentés comprennent 24 (D66) et 34 (VVD) députés, ce qui n’est pas suffisant pour obtenir une majorité gouvernementale. Pour obtenir celle-ci, il faudrait donc une alliance d’au moins trois partis pour former un gouvernement de coalition qui s’accorde sur un programme.
On procède donc par étapes, nommant un éclaireur qui prépare le travail pour un ou plusieurs informateurs, avant de nommer un formateur. Dès le lendemain des élections législatives, deux femmes ont été nommées éclaireur pour inventorier les possibilités d’alliance gouvernementale, vite remplacées par un homme et une femme, ces duo alliant démocrates (D66) et libéraux (VVD). Suite à ces travaux d’investigation préliminaires, le socialiste Tjeenk Willink, ancien président du Sénat et ancien vice-président du Conseil d’État, se voit confier la mission d’informateur, en avril, et ce, pour la sixième fois ; il remet à la présidente de la Chambre, trois semaines plus tard, le rapport de ses entretiens avec tous les (porte-paroles des) partis politiques représentés à la Chambre. Il plaide pour un nouveau style de gouvernance, fondé sur la confiance et la modération, soulignant l’importance de retrouver un bon équilibre entre les trois pouvoirs (trias politica définie par Montesquieu) et de rétablir la confiance entre le citoyen et l’État, entre la Chambre et le gouvernement, et entre les partis ; il juge nécessaire de rappeler le rôle du Premier Ministre (Minister President), qui se limite à la fonction de représenter la responsabilité collective du gouvernement de coalition, sans aucune compétence pour endosser la responsabilité des ministres. Ces derniers temps, en effet, Marc Rutte, Premier Ministre depuis octobre 2010, démissionnaire dans son troisième mandat, a donné l’impression de fonctionner comme un président, étant très sollicité par les medias et par la Chambre, plus que comme un ministre, alors que ses compétences constitutionnelles sont plus celles d’un ministre que celles d’un président.
À Tjeenk Willink succède un nouvel informateur, une femme, socialiste elle aussi, Mariëtte Hamer, présidente du Conseil économique et social, qui devra, selon lui, avoir pour mission de rétablir la confiance des citoyens dans leurs dirigeants politiques et d’établir un plan de reconstruction de l’activité économique après la crise due au Corona19, veillant entre autres à réduire l’inégalité des chances dans l’enseignement et dans l’accès à l’emploi. Hamer remet son rapport d’enquête de six semaines, proposant une vision des Pays-Bas au sortir de crise, un inventaire des problèmes économiques et sociaux et un accord politique possible pour les résoudre d’une part, et pour restaurer et renforcer l’État de droit démocratique d’autre part.
Vu le repos estival des Parlementaires, la formation du gouvernement a été quelque peu en suspens. Le travail préalable des informateurs permettra au formateur dès qu’il sera nommé de procéder à la conduite des négociations entre les six partis qui se sont déclarés prêts à participer à un gouvernement de coalition et à inspirer la rédaction d’un programme. Le gouvernement peut aussi être “minoritaire” dans le sens où par exemple seuls deux partis font alliance pour gouverner, sans avoir la majorité au Parlement et en trouvant des majorités au coup par coup. Cette période de formation peut prendre un certain temps, ce à quoi les Néerlandais sont habitués. Patience donc !
Français aux Pays-Bas, nous rencontrons dans notre pays d’accueil les mêmes questions fondamentales de vie démocratique et de responsabilité citoyenne, d’État de droit, d’inégalités à réduire sur le court et sur le long terme … qui occupent et préoccupent nos compatriotes, simple citoyen ou responsable politique.