Dans son discours de lauréate du Nobel de la Paix, Bertha von Suttner, née en 1843 à Prague, capitale de la Bohême qui faisait partie de l’Empire autrichien, transformé en Empire austro-hongrois en 1867, et morte en juin 1914, une semaine avant l’attentat de Sarajevo, dont les répercussions ont été finalement le déclenchement de la Première Guerre mondiale, tenait un discours qui résonne comme très actuel aujourd’hui.
« Des sous-marins sont construits, des régions entières sont minées et tout cela avec un tel zèle ! Comme si attaquer son voisin était la fonction la plus importante d’un État. »
C’est quinze ans après la publication du livre Die Waffen nieder ! publié à Dresde aux Éditions Edgar Pierson, en 1889, et traduit en français sous le titre Bas les armes ! aux Éditions Fasquelle en 1899, soit dix ans après l’œuvre originale.
Si Bertha von Suttner a écrit de nombreux romans, des nouvelles et essais, c’est ce roman au titre injonctif et qui va à l’encontre de la pensée dominante de l’époque, que l’histoire retient.
Le livre, d’abord refusé par les éditeurs et les journaux, connut un grand succès en Allemagne et en Autriche puis fut traduit en de nombreuses langues et publié en feuilleton et en ouvrage.
Le roman est écrit à la première personne mais il n’est pas autobiographique. Il retrace l’évolution de Martha, une jeune fille de dix-sept ans, « très exaltée » qui traverse quatre guerres de 1859 à 1870-1871 (articulant les chapitres du livre, documentés sur les campagnes de 1859, 1864, 1866 et 1870-71) et en vient à comprendre que la guerre est comme « un phénomène naturel inéluctable, comme un tremblement de terre ou une éruption volcanique ».
« Bas les armes ! a été une révélation pour l’auteur elle-même ». Tout en mettant, par la rédaction de son roman, la littérature au service de la promotion du mouvement de la paix dont elle a entendu parler par le docteur Löwenthal, rencontré dans le salon d’Alphonse Daudet, Bertha von Suttner sort de son étude de l’Europe au dix-neuvième siècle, pacifiste convaincue. Dans l’épilogue du roman daté de l’année de la publication du roman (1889), le rêve est exprimé :
« Je vois naître l’aurore d’une ère nouvelle. […]. L’égoïsme d’État fera bientôt place à la fraternité des peuples, et la justice deviendra la base de la vie sociale. Ce sera le triomphe de l’humanité, de la Noblesse humanitaire, … » (Bas les armes ! Éditions Turquoise, 2015, p. 396).
Bertha von Suttner va désormais mener une « guerre à la guerre ».