« Engagé, curieux, tolérant et j’aimerais être plus pragmatique », telle est la réponse de Matthieu à ma demande de se définir en trois mots.
J’ai rencontré Matthieu Vonthron en février 2020, quelques semaines avant la déclaration de pandémie due au COVID 19 et les contraintes qui en ont découlé pour notre vie sociale et familiale, résultant de choix politiques aux conséquences encore inconnues sur le long terme.
Depuis deux ans, les Français aux Pays-Bas ont vécu en partie au rythme des élections en France apportant en 2022 la réélection du président de la République et l’élection d’une Assemblée nationale sans majorité gouvernementale ; ils ont vu leur pays d’accueil, les Pays-Bas, confronté à une crise de confiance dans le politique qui a mis un an pour trouver un accord de gouvernement et dont la crédibilité est mise en doute, à cause des affaires comme le scandale des allocations familiales. Nos deux pays sont sollicités pour répondre à la situation environnementale et aux exigences de réaction économique et sociale face au changement climatique et écologique et à la nécessaire transition énergétique. Le citoyen est concerné et pendant un long entretien, Matthieu a pu dire quel est son engagement de Français aux Pays-Bas.
Français de l’étranger, en quoi vous sentez-vous Français ?
Pour Matthieu, être une famille française à l’étranger est un héritage : il est né et a grandi en Belgique et aux États-Unis, a connu l’école belge, américaine puis française en tant qu’élève du Lycée français Jean Monnet de Bruxelles jusqu’au Baccalauréat. C’est aussi une construction, un choix de vie avec son épouse française et leurs deux filles, aujourd’hui à Haarlem, après quelques années à Amsterdam, au retour d’un séjour à Singapour.
La France c’est pour lui, le pays des grands-parents avec lesquels un lien fort a été conservé et cultivé par les parents ; c’est le pays des vacances en famille.
Il s’est fabriqué un patrimoine linguistique et culturel important et varié lors de séjours à l’étranger (Allemagne, Corée, Autriche, États-Unis) pendant ses études à Audencia, grande école de commerce à Nantes, puis après un premier poste de travail à Paris, en partant travailler à Singapour. Dans un contexte de plurilinguisme et de richesse pluriculturelle acquise, Matthieu reconnaît avoir acquis du modèle français, rigueur, capacité d’analyse et de théorisation et goût de construire des systèmes pour appréhender les problèmes.
Matthieu qui réfère à l’esprit cartésien et à l’esprit des Lumières nomme l’introduction du système métrique comme un très bon exemple de la volonté de systématiser, propre à la pratique française. Toutefois, selon lui, cette même pratique échoue souvent, après la confrontation thèse-antithèse, pour passer à la synthèse et trouver une solution au problème à résoudre ; c’est le cas pour de nombreuses réformes, comme celle des retraites par exemple. Le politique a alors, face au blocage, à sa disposition, le passage en force avec l’application du 49.3 ou le recul en retirant le projet de réforme comme ce fut le cas en 1995 avec le plan Juppé de réforme des retraites et de la sécurité sociale !
Le système caractérise l’expertise de Matthieu car « mettre en place des systèmes pour aider l’entreprise à faire sa comptabilité », c’est l’objet de son travail dans une agence internationale de conseil.
Comment voyez-vous votre engagement professionnel dans une entreprise internationale de Conseil ?
* Matthieu : « Je propose aux entreprises de les aider à mettre en place ou améliorer un système d’information comptable et financier. Ce système touche à quasiment tous les aspects de la vie d’une entreprise (production, logistique, ressources humaines…) mais ce qui est encore peu pris en compte c’est l’impact environnemental. Le reporting non-financier ou reporting RSE est encore embryonnaire mais il a vocation à vite se développer dans les années à venir. C’est le rapport de la responsabilité sociale et environnementale de l’entreprise (RSE), de son impact environnemental et social. Il est aujourd’hui obligatoire pour les sociétés cotées en bourse, avec en particulier un rapport RH et impact carbone, mais la confection de ce rapport est trop souvent artisanale et le rapport minimal.
Le système que je propose met en place le cadre pour renseigner les données à exploiter pour avoir une image du fonctionnement de l’entreprise. Il faut faciliter et systématiser la production de ces rapports qui sont des thermomètres qui permettent de mesurer les changements au sein de l’entreprise. »
Matthieu est aux Pays-Bas, ambassadeur de Audencia école précurseur au sein du réseau des grandes écoles de commerce françaises en matière de RSE. Et Matthieu de citer quelques entreprises exemplaires qui ne se contentent pas de rechercher le profit ; investissant dans la formation des salariés, la maintenance et la gestion du patrimoine, le développement social et environnemental, des entreprises comme Bosch, Danone, ou Patagonia reversent les profits aux fondations du même nom, s’engagent pour le développement durable, l’économie circulaire et l’entente entre les peuples grâce aux emplois proposés aux stagiaires et professionnels européens et internationaux.
Avec Matthieu, nous nous sommes rencontrés autour du sens et du modèle de la représentation des Français aux Pays-Bas, de l’engagement citoyen.
Et que dire de l’engagement politique au sens plein du terme, de la responsabilité citoyenne ?
* Matthieu : « Il est agréable de voir fonctionner la société néerlandaise dans laquelle les initiatives participatives sont essentielles. On avance, de façon pragmatique et constructive même si tout ne marche pas parfaitement. Chacun est concerné pour que les choses avancent ; aussi, on actionne des leviers, on met en place des structures, on coopère.
En France, le fonctionnement de la société se fait dans une opposition conflictuelle et non dans le compromis comme aux Pays-Bas. Il semble que l’on attende tout de celui que l’on a élu et pour lequel on s’est engagé, une fois tous les cinq ans ! On donne carte blanche à un leader puis on s’oppose à ce qu’il dit. C’est presque une attitude d’adolescent rebelle qui ne veut pas quitter la maison.
Or, il est important que les Français s’engagent politiquement, qu’ils discutent, qu’ils disent leurs désaccords mais qu’ils soient ouverts aux autres. Un dialogue au delà des étiquettes et des partis est indispensable. »
Vous avez choisi de mettre vos enfants dans le système éducatif néerlandais. Est-ce un bon choix ?
* Matthieu : « Nos filles de 6 et 8 ans sont en effet élèves dans l’école néerlandaise de notre quartier. Elles sont heureuses ! elles se débrouillent bien en français, langue parlée à la maison, et dans la langue du pays, la langue de l’école et de toutes les activités extra scolaires dont les activités sportives qui sont très importantes aux Pays-Bas.
Le système éducatif néerlandais développe la confiance en soi, la capacité à s’exprimer oralement, la prise de responsabilité individuelle et collective, le travail coopératif et participatif.
Devenus grands, ceux qui sortent de ce système sont capables d’initiatives, d’action pragmatique issue de compromis, de sens de la responsabilité et de l’engagement au niveau local.
Les parents d’élèves s’impliquent très concrètement dans la vie tant de l’école que des associations sportives et d’activités artistiques. Leur participation bénévole à tous les niveaux est essentielle. »
Que portez-vous comme utopie …
Pour vous, votre épouse, vos enfants, vos amis, ceux qui sont loin de vous par la pensée et les choix politiques et philosophiques ?
* Matthieu : « Une utopie appelée à devenir réalité : celle d’une Europe forte et sûre, qui respecte les humains, la nature, les générations futures. Le monde que nous laisserons à nos enfants sera encore plus difficile que celui d’aujourd’hui. Les migrants seront plus nombreux à cause des conflits, du manque d’eau et de nourriture causé par une mauvaise répartition et par le changement climatique. »
Et Matthieu de conclure : « J’aime faire confiance aux gens, dans leur capacité à agir. » Faisons lui confiance pour enthousiasmer les uns et les autres et soutenir leur prise de responsabilité citoyenne collective.
Merci pour ce bel entretien, Marie-Christine!
C’est comme ça que je connais Matthieu également dans notre engagement commun pour Audencia aux NL. Ce qui donne envie de vivre ensemble d’autres aventures, plus politiques celle-là!