Clarinettiste talentueux, soliste à l’Orchestre royal du Concertgebouw, Olivier Patey parle de sa passion

Photo Olivier Patey et sa clarinette Buffet Crampon, © Bruno Bonansea

Depuis Berlin où commence la tournée de fin août de l’orchestre royal du Concertgebouw (KCO, Amsterdam) qu’Iván Fischer dirige pour la 7e symphonie de Mahler, Olivier Patey, Français résidant à Amsterdam et clarinettiste solo au KCO m’entretient de sa passion qu’il vit comme « un rêve éveillé ».

** Dans l’annonce du concert du 3 juin 2023 à Leiden, sur le site ouèbe de la salle de concert, on peut lire que vous êtes « un des meilleurs clarinettistes du monde » et on peut vous écouter jouer Brahms. Quel honneur pour un Français résidant aux Pays-Bas ! et vous n’êtes pas le seul Français au KCO…

Olivier Patey : Oui, nous sommes une dizaine de Français à l’Orchestre, dignes représentants de l’éducation musicale française. L’enseignement de la musique est très bon en France, dans les conservatoires comme à Paris ou Lyon, mais Paris n’est plus le centre du monde et il y a aujourd’hui une réelle ouverture sur l’étranger. Aussi nous nous retrouvons hors de France, avec nos traditions instrumentales pour jouer dans un endroit sublime, avec la meilleure acoustique au monde et l’un des trois meilleurs orchestres du monde. »

** Après une formation de soliste, vous avez découvert l’orchestre…

Olivier : « J’ai toujours voulu faire ma vie avec la clarinette, sans penser, au début, à en faire mon métier et puis l’idée de passer des concours m’a été donnée par mes professeurs.

À vingt ans, j’ai réussi le concours pour entrer au Conservatoire de Paris puis celui de la Garde républicaine, mon premier poste de musicien d’orchestre, alors que j’étais très jeune. C’était inattendu et bienvenu car j’avais dès lors une belle bourse d’étude et je réalisais que je ne serai jamais à la rue en étant musicien.

Après mes études, j’ai fait une carrière de soliste avant de vivre au rythme du Mahler Chamber Orchestra et du Festival de Luzerne de 2005 à 2013 avec Claudio Abbado et Daniel Harding, puis d’être recruté par le KCO, il y a dix ans ».

** On peut lire dans la presse néerlandaise que vous avez été choisi parmi les 242 candidats, comme lauréat au jeu « élégant, concentré, virtuose, intense et à la belle sonorité » (‘Olivier Patey – strak, geconcentreerd, virtuoos, intens en met een fraaie toon’, NRC, 18 février 2013). 

Olivier : « Devenir clarinettiste solo au KCO est pour moi, juste incroyable. Je vis pour la clarinette, je suis venu aux Pays-Bas par amour – ma femme est violoniste et joue régulièrement dans le KCO, et j’admire cet orchestre pour la combinaison parfaite des sons des cordes et des instruments à vent (NRC, 18 février 2013). »

** Il faut travailler beaucoup, ce sont des défis au quotidien

Olivier : « À l’orchestre, c’est un vrai défi de combiner mon jeu sur clarinette Buffet Crampon, de système français, ‘très précis dans l’intonation et qui demande au musicien un incroyable jeu de doigts, cherchant les limites du possible’ avec celui des collègues clarinettistes néerlandais qui jouent sur ‘des instruments Leitner-Kraus de système allemand ou Reform-Boehm des Pays-Bas, où l’important est le focus, la couleur et les réserves’. C’est un ensemble incroyable qui donne une richesse de sons, une dynamique qui ouvre l’esprit et permet de jouer un répertoire moins traditionnel, avec Bartók et Hartmann par exemple.

Je reste étonné, surpris, admiratif de faire partie de cet orchestre qui me permet de jouer des concerts à l’affiche de rêve ! Et il y a les tournées à l’étranger, ce qui représente deux mois par an environ ; c’est passionnant mais pas toujours facile pour la vie de famille.

Je chéris ma vie de famille, avec nos trois filles, comme le plus précieux des trésors et je dois donc refuser 95% des propositions magnifiques qui me sont faites à l’étranger pour participer à des festivals, y donner des masterclasses – ce que j’aime pourtant beaucoup faire. »

** Vous êtes aussi professeur au Conservatoire

Olivier : « Je commence à enseigner au Conservatoire d’Amsterdam en septembre, après avoir enseigné pendant trois ans au Conservatoire royal de La Haye. J’aime beaucoup enseigner : c’est un gros investissement et une grande responsabilité mais j’ai à cœur de livrer en mes étudiants des musiciens accomplis une fois leurs études finies, prêts à réussir les concours ou à réaliser la tâche professionnelle qu’ils choisiront. Je dois dire que je suis très heureux des résultats, mes étudiants ayant réussi à entrer dans des orchestres internationaux et, comme moi il y a plus de vingt ans, à la Garde républicaine. »

** Heureux aujourd’hui, quels sont vos projets pour demain ?

Olivier Patey

Olivier Patey, © Bruno Bonansea

Olivier : « Oui, je souhaite poursuivre dans cette voie royale qui fait de ma vie, un rêve éveillé. C’est en effet exceptionnel de vivre et de travailler dans la plus belle ville, la plus belle salle, l’orchestre le plus beau. Bien sûr, si je souhaite rester un bon musicien, je voudrais reprendre des concerts en soliste, et aussi ajouter un plaisir supplémentaire en jouant plus que ma seule partie… devenir chef d’orchestre ? et continuer à partager l’émotion musicale avec les collègues et avec le public. »

** Vous aimez partager la musique mais ne craignez-vous pas que demain, il n’y ait plus de public dans les salles de concert classique ?

Olivier : « J’aime en effet partager la musique que je joue et la clarinette qui est un instrument relativement jeune, de la fin du XVIIe siècle, pour lequel Telemann, Haydn, Mozart, Brahms, Chausson, Mahler … ont composé, a sa place dans toutes les musiques, populaire, folklorique, le jazz, la musique contemporaine. Les clarinettistes sont les violonistes de l’orchestre d’harmonie, un milieu très sympathique.

Y aura-t-il un public pour la musique classique demain ? Je ne suis pas inquiet, je ne crains pas un désintérêt des générations futures car il y a beaucoup de jeunes dans les conservatoires. Reste toutefois la question de la volonté politique de soutien de l’art et de la culture, non seulement pour sa dimension sociale et éducative mais aussi pour sa dimension économique. La culture en général et la musique en particulier font vivre beaucoup de gens et l’investissement budgétaire des autorités politiques, s’il n’est pas mesurable en termes de rentabilité dans l’immédiat, est pourtant essentiel. L’art est ce qui se transmet de générations en générations, c’est ce qui perdure dans la société. »

Écouter Olivier Patey et l’orchestre du Concertgebouw Amsterdam, dans les quintettes pour clarinettes de Mozart et de Brahms, le 30 novembre 2023 au Concertgebouw à Amsterdam et les 7-8 et 9 février 2024, Mozart (concerto pour clarinette en A majeur, KV622) et Mahler (symphonie no 10) au Concertgebouw à Amsterdam

« C’est l’affiche rêvée » me répète Olivier, passionné, modeste et enthousiaste, amoureux de son instrument et de sa famille !

Posted in Culture, Musique, Octobre, Olivier Patey.

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