En France comme aux Pays-Bas on parle de « crise de la démocratie ». On entend dire que le système ne fonctionne plus, à constater le taux d’abstention aux élections législatives ou régionales, alors qu’il s’agit de choisir le législateur. Le système politique connaît une difficulté structurelle qui se traduit concrètement dans une défiance de la population face au politique, les élus ne répondant manifestement pas aux attentes ; on assiste depuis les années 1970-1980 à une « crise de la représentation » (Pierre Rosanvallon, Le peuple introuvable. Histoire de la représentation démocratique en France, 1998).
Si dans la France de mai 1968, on a pris la parole, comme on a pris la Bastille en 1789, (« la prise de parole », Michel de Certeau, Desclée de Brouwer, 1968), une crise de la parole caractérise, selon Florent Guénard, aujourd’hui la situation d’impuissance dans laquelle se trouvent gouvernement, parlement et syndicats en France. Là où on entend surtout des monologues, il faudrait « entendre » et « écouter », « organiser la circulation de la parole » et « défendre en actes, nos valeurs de concertation et de pluralisme » pour « réaffirmer, par l’exemple, que l’on peut partager une même communauté politique malgré nos divergences » (Florent Guénard, LaCroix l’Hebdo, 23 mars 2023). Comment sortir de l’engrenage de la violence, sinon en pratiquant le dialogue, utilisant les médiations, élaborant un compromis ? inventer une nouvelle culture de dialogue…
Négocier, établir des compromis autour de contrats pour l’action commune, c’est une pratique séculaire aux Pays-Bas. Elle connaît une nouvelle actualité en cette période post-électorale qui a vu la victoire d’un nouveau parti qui se nomme « mouvement paysan citoyen » (BBB), bousculant la représentation démocratique d’où est issue la coalition gouvernementale. Ce mouvement qui n’avait qu’une élue au Parlement (depuis mars 2021) se voit en effet arriver en tête avec le plus grand nombre d’élus dans toutes les Provinces ainsi que dans treize des vingt-et-un organismes de gestion de l’eau (waterschappen).
La victoire électorale de ce mouvement BBB est bien perçue par le gouvernement de coalition comme un signal de l’électeur et la manifestation qu’un fossé s’est creusé entre les citoyens, entre le monde politique et les citoyens et au sein même de ce monde politique d’une part, et d’autre part entre le pouvoir politique de La Haye qui décide et la province qui subit. Aussi, prônant le dialogue, la coalition au pouvoir tient un conseil de crise pour proposer des solutions aux problèmes majeurs de société qui se posent et qui concernent essentiellement les politiques du climat, de l’air et de l’énergie, acceptables pour les nouveaux vainqueurs. C’est la recherche d’un compromis pour gouverner, en tenant compte des voix exprimées dans l’ensemble du pays.