La commémoration de l’armistice signé le 11 novembre 1918, il y a cent six ans, a lors d’une émouvante cérémonie à la Résidence de France à La Haye, lundi 11 novembre 2024.
La chorale du Lycée français Vincent van Gogh, dirigée par Françoise Oberli a chanté la Marseillaise, lors de la cérémonie militaire, en présence de S.E. François Alabrune, Ambassadeur de France auprès du Royaume des Pays-Bas et de son homologue allemand, S.E. M. Dr Nikolaus Meyer-Landrut, Ambassadeur d’Allemagne aux Pays-Bas depuis 2024.
Y assistaient des militaires français en poste aux Pays-Bas, des élèves officiers de Saint-Cyr Coëtquidan, des anciens combattants, d’un côté, des représentants des Français aux Pays-Bas, de l’autre, élues et responsables d’organismes et d’associations.
Après les discours des deux ambassadeurs qui se sont exprimés en français et qui ont manifesté leur gratitude de partager des valeurs communes et leur émotion face à cette célébration commune, la chorale a chanté Imagine de John Lennon et quatre élèves ont lu en traduction néerlandaise, des passages de lettres de poilus.
Le verre de l’amitié a ensuite permis aux participants d’échanger, et pour moi de faire connaissance avec des militaires français en poste aux Pays-Bas : le colonel Laurent en poste à Brunssum, base de l’OTAN (JFCBS) où se trouve le Quartier général du Commandement des Forces interarmées alliées de l’OTAN et le colonel Callixte en poste à Eindhoven où est basé l’EATC. Tous deux m’ont parlé de ces Français qui vivent en milieu militaire international aux Pays-Bas.
À Brunssum, dans la province du Limbourg, avec le Lieutenant Général Jean-Pierre Perrin qui, depuis octobre 2023, est le chef d’état-major du Quartier général du Commandement des Forces interarmées alliées de l’OTAN situé à Brunssum, et que j’ai rencontré à Kapelle en mai dernier, travaillent 80 militaires français qui font partie du groupe de 32 nations représentées au sein de Joint Forces Command de l’OTAN. « 80 militaires cela représente un groupe fort et qui est très bien soutenu par la nation », m’explique le Colonel Laurent.
- Quelle est la vie de ces militaires français aux Pays-Bas ?
Colonel Laurent : « Ces militaires sont recrutés sur dossier et les postes à Brunssum sont très recherchés. Chez ces militaires français, la vie militaire et la vie civile/familiale sont caractérisées par leur appartenance française : il y a une véritable convivialité entre Français mais il y a aussi un réel souci d’intégration des militaires français et de leurs familles aux Pays-Bas. Tout est d’ailleurs fait pour faciliter l’intégration dans une structure française au sein d’une organisation internationale et dans une région qu’on leur propose de découvrir, grâce à un personnel civil qui distribue information et propose des activités. La région est frontalière, riche de trois pays – Allemagne Belgique et Pays-Bas, et elle permet aux militaires, une vie sociale pluriculturelle, tant au sein de la base qu’à l’extérieur, Maastricht étant, au cœur de l’Europe, un centre commerçant, à la vie culturelle, scolaire et universitaire internationale.
Un pays de gens heureux d’y vivre ! Parmi les Français, les uns vivent aux Pays-Bas, en Limbourg néerlandais, d’autres en Belgique et d’autres en Allemagne, le choix des écoles pour les enfants commandant souvent au choix de résidence pour la famille.
Au quotidien on travaille avec les autres et on remarque, avec le sourire, les différences culturelles qui se manifestent autour du déjeuner par exemple – que l’on prend différemment selon les habitudes nationales – et qui sont révélatrices de la relation au travail et de la vie familiale. »
- Ces militaires français sont aux Pays-Bas au service de l’OTAN…
Colonel Laurent : « Si le Président Macron a le 7 novembre 2019, parlé de « mort cérébrale » pour caractériser la situation de l’OTAN (entretien publié dans The Economist, le 8 novembre 2019), il n’en est rien aujourd’hui. L’OTAN avance mais c’est une grosse machine bien entendu … et s’il est nécessaire de faire des compromis, au sein du commandement intégré des forces armées, tout le monde va dans le même sens, même si la perception de l’urgence varie selon les pays, Baltes ou Espagnols ne percevant pas la menace russe de la même façon, par exemple. Aujourd’hui, le partenaire central de l’OTAN ayant changé de Président, la question est de savoir quelle sera la nouvelle politique des États-Unis face à l’organisation des forces armées de l’OTAN. Mais ce qui est sûr c’est que l’on est impliqué dans un projet commun et l’on fera avec ce que les politiques donnent et entre militaires de différents pays, il y a entente ! ».
L’OTAN – Organisation du traité de l’Atlantique Nord – traité signé par douze pays d’Europe et d’Amérique du Nord le 4 avril 1949 à Washington, qui compte aujourd’hui 32 pays membres, n’a pas toujours eu son commandement militaire aux Pays-Bas.
Quatre ans après la création de l’OTAN, le Quartier général du commandement intégré des forces alliées de l’OTAN a été établi à Fontainebleau en 1953. Il a donc fêté ses 70 ans l’an dernier. La décision du Général de Gaulle, Président de la République, en mars 1966, de retirer les forces armées françaises du commandement intégré de l’OTAN – c’est à dire de rejeter l’intégration militaire tout en restant dans l’Alliance atlantique – pour dépasser la logique des blocs et mettre fin à la guerre froide, conduit à devoir héberger hors de France le quartier général du commandement des forces alliées. En 1967, Brunssum est choisi pour sa localisation de « balcon de l’Europe », de « pays sans frontière » et la présence d’une infrastructure que les Pays-Bas mettent à disposition, alors que les mines de charbon viennent de fermer. Des restructurations et changements de nom s’ensuivent en 2000 puis en 2004 et 2005, en 2011. En 2012, la base internationale prend le nom de Headquarters Allied Joint Force Command (H.Q. JFC) Brunssum / Quartier général du Commandement des forces interarmées alliées (QG JFC) Brunssum.
À Eindhoven, travaillent environ une cinquantaine de militaires français (principalement des aviateurs de l’armée de l’Air et de l’Espace), soit près d’un quart du personnel français de l’EATC European Air Transport Command.Ces Français travaillent aux côtés d’Allemands, de Belges, d’Espagnols, d’Italiens, de Luxembourgeois et de Néerlandais (Voir le document de l’armée de l’air et de l’espace).
L’EATC est une structure internationale ad hoc, mettant en commun les avions de transport de sept pays européens (les six pays – Allemagne, Benelux, France, Italie – signataires des Traités de Rome instituant la CEE et la CEEA ou EURATOM, auxquels s’ajoute l’Espagne) pour partager la tâche des opérations de transport aérien, 24 heures sur 24, 7 jours sur 7 et dans le monde entier. L’EATC crée dès le temps de paix les conditions pour répondre aux besoins des nations en temps de crise, qu’ils concernent des personnes à évacuer ou du matériel à transporter. « Cette unique équipe multinationale d’experts » est basée à Eindhoven d’où sont planifiées et conduites les opérations du quotidien comme les réponses aux crises des nations. Elle dispose de plus de 180 aéronefs stationnés sur 13 bases nationales (voir l’adresse du Général Mollard, Commander EATC au visiteur du site de l’EATC). L’EATC suit les règles civiles de la navigation aérienne, élaborées par l’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI), organisme des Nations Unies créé en 1944.
- Qui sont les militaires en poste et quelle est leur mission ?
Colonel Callixte : « À Eindhoven, les militaires sont des experts opérationnels qui ont choisi de venir travailler au sein de l’organisme européen donneur d’ordre, après avoir développé sur le terrain une expérience opérationnelle. Ils sont compétents et fiers d’être à leur poste.
Au sein de l’EATC, outre la planification et la conduite des missions, des militaires français travaillent à préparer l’avenir, avec le développement d’une culture de connaissances croisées pour améliorer sans cesse les formations, la mobilité des personnels et l’efficacité des opérations et continuer à « former un front uni pour l’Europe et au-delà ». Il y a une volonté politique de répondre aux besoins pragmatiques. »
Depuis septembre 2023, le général de division aérienne Major-General Franck Mollard est à la tête du Commandement européen du transport aérien ; il a pris la suite de son homologue allemand Andreas Schick, tandis que le général de brigade allemand Frank Thomas Best est chef d’état-major, ayant pris la suite de son homologue français Stéphane Gourg.
- Il y a donc un roulement dans le commandement…
Colonel Callixte : « En effet, les postes de commandant de l’EATC connaissent un mandat de trois ans et reviennent en alternance à l’Allemagne et à la France qui sont les plus gros contributeurs. Les postes d’adjoints quant à eux, sont répartis à tour de rôle entre la Belgique, l’Espagne, l’Italie et les Pays-Bas ; en revanche, le Luxembourg ne détient pas de poste de commandant au sein de l’EATC. »
- Qu’en est-il des aviateurs ?
Colonel Callixte : « Le mandat d’un poste à l’étranger est de trois ans ; certains font une, voire deux années de plus. Parfois, certains reviennent quelques années plus tard pour un nouveau mandat.
Il y a au sein du détachement français de l’EATC un officier général, des officiers et des sous-officiers. »
- Quels sont les défis culturels au sein de l’EATC ?
Colonel Callixte : « Le travail en milieu international est l’occasion d’une ouverture sur les autres, l’occasion de découvrir des façons de faire différentes. Il faut comprendre la méthode de travail et les codes de nos alliés mais aussi tenir compte des directives nationales que chacun doit défendre et auxquelles chacun doit souscrire. Ces clés de compréhension seront nécessaires pour partir demain ensemble en opération et il est primordial d’apprendre à les connaitre dès le temps de paix. »
- Que disent les familles de leur vie aux Pays-Bas ?
Colonel Callixte : « Les familles françaises qui aménagent avec leurs enfants sont divisées globalement en deux groupes : celles qui vivent en Belgique et celles qui vivent aux Pays-Bas. On retrouve généralement en Belgique ceux qui ont des enfants en bas-âge, les modes de garde étant moins onéreux en Belgique, et ceux ayant des enfants au lycée, l’école de Mol étant reconnue par le ministère français de l’éducation nationale. Quelle que soit l’école choisie, toutes les familles sont très heureuses de leur séjour à Eindhoven. Cette expatriation apporte dans la plupart des cas, l’opportunité de (re)devenir bilingue en langue anglaise et de découvrir une façon de vivre différente, même si très proche de la nôtre. »
- Notez-vous un intérêt pour la vie néerlandaise et une ouverture sur l’extérieur ?
Colonel Callixte : « La solution de facilité reste de se retrouver entre Français ! L’ouverture vers l’extérieur est très variable ; elle dépend souvent de l’école et/ou des conjointes qui peuvent travailler pour des entreprises néerlandaises, bien que ceci soit peu fréquent à cause de la barrière linguistique, le néerlandais étant souvent un prérequis à l’embauche. L’intérêt pour la culture néerlandaise est réel, l’engouement pour les visites d’expositions et de musées en témoigne. Des propositions d’activités pour les Français à Eindhoven seraient les bienvenues ! »