Nombreux sont les jeunes Françaises et Français qui viennent aux Pays-Bas pour y faire des études d’art du design, entre autres à l’Académie Gerrit Rietveld à Amsterdam ou à l’Académie de design à Eindhoven (DAE). Nombreux sont aussi ceux qui, une fois diplômés y restent.
Pierre Allain, lauréat de l’Académie de design d’Eindhoven (2021), avec qui j’ai eu le plaisir d’échanger longuement, a, lui, choisi de rentrer en France pour y enseigner à l’École Boulle et à l’École de Condé à Paris, avec une pédagogie inspirée de son expérience néerlandaise.
Faisant de ses cours magistraux, une « plateforme de curiosité », il propose à ses élèves de créer des réflexions collectives. Faisant de ses cours pratiques un lieu ou l’on « apprend en faisant », devise officieuse de la DAE, il participe à l’épanouissement des étudiants, développant leurs talents artistiques et leur personnalité.
Il se veut créateur, enseignant, tuteur, « guide » en un mot.
Allain a choisi Eindhoven et la DAE pour l’approche sociale, contemporaine et pluridisciplinaire de sa formation en design, privilégiant pour sa part la relation de l’homme avec le ludisme. Si les années d’étude ont été dures, elles lui ont apporté beaucoup de joie et le plaisir de se découvrir lui-même. L’objet de ses créations est d’inviter à une interaction sociale, de générer de l’intelligence collective.
Comment le design peut-il créer du lien social ?
Pierre Allain en témoigne dans son projet de fin d’études, en partenariat avec le festival de théâtre De Parade, présenté au Graduation Show entre le 16 et le 24 octobre 2021 à Eindhoven.
Confronté à la situation de panique politique et par incidence, sociale, face à la présence du COVID 19 qui génère une nouvelle signalétique spatiale (des bandes de couleurs, des flèches, des panneaux, des stickers, des vitres transparentes, des barrières), « une signalétique de l’urgence », il observe et réfléchit à la transformation soudaine de l’espace urbain de rencontre dans lequel se font jour des directives de circulation répondant à une « esthétique du danger ».
Il veut transformer l’obligation de maintenir une distanciation physique entre les gens, en un plaisir partagé, entrant dans un jeu collectif. C’est l’objet d’ateliers collectifs où chacun peut partager son expérience de la crise actuelle.
Dans la nouvelle « société des un mètre et demi », comme on aime à le dire dans les medias néerlandais, Pierre Allain cherche à jouer avec les règles qui contraignent le comportement des citoyens, en en créant de nouvelles pour dissiper le sentiment de contrainte. Fort d’une recherche sur l’histoire du costume et sur l’impact des crises sanitaires sur la mode, il crée et nous invite à créer des objets et des costumes qui respirent la liberté et la légèreté, faisant de la distance physique et donc sociale un espace à combler au lieu d’être un espace à éviter.
Utilisant des matériaux facilement accessibles comme des cartons, du scotch et des tiges de métal, il se veut chef d’orchestre, « modérateur fou » et enseignant ludique, et invite ainsi à une réflexion commune pour trouver ensemble des solutions aux problèmes de société.