Stéphanie ©Studio Riquois
Photographier c’est nouer une relation, c’est représenter une réalité liée à un imaginaire…
À La Haye, dans une jolie rue de Benoordenhout (un quartier que, il y a vingt ans, l’on appelait « la petite France »), qui porte le nom d’un peintre de la Haagsche school, se trouve le studio de Stéphanie Riquois, photographe portraitiste de personnes et des mystères de la nature. Je l’ai rencontrée au Petit Quartier.
- Vos annonces publicitaires dans le journal du quartier (Wijkblad Benoordenhout) de La Haye où nous habitons, sont des photos d’enfant (un ou deux), chaque fois différentes, toutes interpellant le lecteur par la tendresse du regard et l’originalité de la position de l’enfant qui est sujet du portrait.
Stéphanie : « Effectivement j’aime beaucoup réaliser des portraits, en noir et blanc principalement. C’est devenu ma spécialité professionnelle, mais ma pratique ne se limite pas aux seuls portraits. »
- Et il y a vingt ans, vous avez fait le portrait de notre fille et de notre fils et aussi de nos deux enfants ensemble. Je me souviens que vous aviez demandé qu’ils apportent diverses tenues dans lesquelles il/elle se sentaient bien.
Stéphanie : « Oui, il est important que la personne dont on fait le portrait se sente à l’aise dans un environnement le plus naturel possible. Et l’essentiel est le résultat, la photo. Elle doit plaire à la personne dont je fais le portrait mais aussi à la photographe que je suis. Pour y parvenir, je prends le temps d’établir une relation complète avec la personne, sujet et objet du portrait. »
- Outre l’art du portrait, faites-vous d’autres types de photos ?
Stéphanie : « J’aime construire mon objet à photographier en le composant – éléments, en créant son environnement – objets du quotidien comme ceux que je photographiais pour la revue VT-Wonen, Ariadne ou Viva par exemple. Je suis toujours à la recherche de l’objet idéal ; c’est le cas du reportage, comme celui que j’ai fait dans une fonderie, rendant compte du travail artisanal comme image d’un art. J’aime aussi saisir la vie dans la nature …
Sur mon site web (voir) vous pouvez voir la diversité de mes productions.
J’aime varier mon travail photographique : portraits, paysages, nature-morte …. Je fais aujourd’hui des photos pour les sites web de personnes ou d’entreprises qui se présentent avec leurs activités et leurs personnels et dont les pages sont régulièrement à actualiser avec de nouvelles photos.
Et, lorsque mon père était Directeur de l’École nationale supérieure de paysage, « Le potager du Roi », jardin construit entre 1678 et 1683 par Mansart à la demande de Louis XIV et qui fait partie du Domaine royal de Versailles, j’ai fait le portrait des jardiniers mais aussi de magnifiques photos de paysages qui ont toutes été achetées lors de leur exposition parmi les travaux de fin d’études à l’Académie des Arts visuels de La Haye. »
- Aujourd’hui, la situation du photographe est quelque peu différente d’il y a des décennies … avec la caméra digitale, le téléphone. Y trouvez-vous votre compte ?
Stéphanie : « Aujourd’hui je prends aussi bien des photos avec mon téléphone qu’avec mon Nikon. Pour le travail de portraitiste, la prise de clichés reste la même mais je laisse le laboratoire développer les photos que je prends, pour les portraits de classe par exemple. Je fais, ce mois-ci, le portrait de 400 enfants d’une école primaire du quartier. C’est un gros travail car je mets chaque enfant en scène pour composer la photo.
En fait, je prends à tout moment des photos avec mon téléphone portable et je les travaille et les transforme dans la chambre noire que j’ai sur mon téléphone. Ce sont pour moi des « portraits » d’éléments de la nature et d’objets usuels que je mets souvent sur instagram (voir). Vous y verrez que je privilégie la lumière naturelle, que j’aime les couchers de soleil et les décors dans le brouillard ! »
- La photographie est donc un art et un artisanat, à vous écouter… Vous avez un réel talent. Comment l’avez-vous découvert et pourquoi en avoir fait votre métier ?
Stéphanie : « Je me sens artiste et j’ai un œil qui saisit l’objet que d’autres ne voient pas, pour faire une photo. Mon mari Arno, également photographe à ses heures, me le dit souvent. J’ai sans doute hérité ce don de mes ancêtres… Mon grand-père maternel, mais son frère aussi, faisaient de magnifiques portraits, des photos de ma maman, fille unique de ma grand-mère adorée qui habitait Amsterdam. De même mon père a constitué des albums des plus belles photos qu’il a prises. Et moi, dès mon enfance je prenais un peu partout des photos, je dessinais, j’avais un vrai talent créatif mais cela ne comptait pas dans l’éducation en France. Il fallait un métier mais je n’aimais pas l’école traditionnelle pour devenir ingénieur comme mon père ou enseignante comme ma mère.
Je suis donc devenue « aide-maman » ou kraamverzorgster pendant dix ans. »
- « Aide-maman » est une spécialité néerlandaise, il me semble. Comment une Française choisit-elle ce métier ?
Stéphanie : « Je suis Française par mon père et Néerlandaise par ma mère. Née à l’île de la Réunion, j’ai grandi en France et ne parlais néerlandais qu’avec ma grand-mère d’Amsterdam. Mon père étant ingénieur du génie rural, des eaux et forêts (IGREF), il nous a transmis l’amour de la nature ; ma mère, Hollandaise, enseignante Montessori, nous a transmis l’amour de l’enfance. La nomination de mon père comme attaché agricole à l’ambassade de France aux Pays-Bas a conduit la famille à un premier séjour d’expatriation en Hollande ; c’était pour moi le moment du passage à la vie de jeune adulte et j’ai suivi alors une formation de kraamverzorgster ou « aide-maman ». J’ai délibérément choisi de rester vivre aux Pays-Bas, le pays de ma grand-mère. Alors que mes parents sont retournés vivre en France où ils habitent toujours, je suis restée vivre dans la maison que nous habitions en famille à La Haye. Je suis l’ainée de quatre enfants et suis la seule des quatre à vivre aux Pays-Bas, ma sœur qui a fait ses études de vétérinaire à Utrecht, étant retournée habiter en France dès la fin de ses études.
Le hasard a voulu que je vienne travailler comme kraamverzorgster dans une famille où le papa était professeur de photographie à l’Académie Royale des Beaux Arts de La Haye ; j’avais vingt-cinq ans et je me suis retrouvée à l’Académie pour y suivre pendant quatre ans les cours du soir en photographie, tout en continuant mon métier d’aide-maman à 80%. Le professeur avait jugé les photos de mon portfolio, « extraordinaires » et m’avait fortement encouragée à proposer mon dossier pour entrer à l’Académie ! Avec mon diplôme Cum Laude en poche, je suis donc devenue une photographe professionnelle. »
- Quel lien y-a-t-il entre votre premier métier de kraamverzorgster et la photographie ?
Stéphanie : « Il y avait, en tout cas en France, un vrai marché de photos de nouveau-nés. Il y a des décennies, les jeunes parents recevaient, à la maternité la visite d’un ou une photographe qui faisait une série de photos que la jeune maman / le jeune couple était heureux d’acheter. En Hollande j’ai souvent fait des portraits de nouveau-nés, d’enfants à la crèche, d’enfants à l’école. Je propose aussi bien entendu, de faire des portraits que l’on peut offrir, comme un ‘cadeau surprise’. J’aime m’occuper de la vie, naissante, dans son humanité et proposer un regard sur le monde dans mes prises de vue… »
- Votre expérience de vie de Française et Néerlandaise aux Pays-Bas est fort riche.
Stéphanie : « Arno, mon mari, est Hollandais et nous avons deux fils Hugo et Antoine qui sont tous deux bi-nationaux, tandis que moi, de mère néerlandaise, je n’ai acquis la nationalité néerlandaise qu’en 2018 seulement (ma mère a perdu sa nationalité néerlandaise en épousant mon père français) !
Je prends le meilleur des deux cultures. Je me sens très Française mais j’aime l’éducation néerlandaise qui vise à l’épanouissement de la personne et au développement de ses talents. Je dois beaucoup à ma grand-mère amstellodamoise qui est venue nous voir à la Réunion ! Mon plurilinguisme et pluriculturalisme a été très utile dans mon expérience d’aide-maman, au plus près des gens, de la vie ; il l’est chaque jour dans mon travail de photographe … je laisse l’œil voir et saisir ce que mon regard crée. »
Merci Stéphanie et puissiez-vous faire profiter de nombreux Françaises et Français aux Pays-Bas de votre art et de votre savoir-faire.