Frédérique Chauvet : BarokOpera aux Pays-Bas et en France

Une femme Chef d’orchestre, c’est encore rare… une Française, flûtiste et Cheffe d’orchestre aux Pays-Bas ce l’est encore plus.

Frédérique Chauvet, Française résidant à Amsterdam est, dans ce domaine, un exemple, à l’avant-garde. Flûtiste spécialiste de musique baroque, elle est Directrice artistique de deux ensembles BarokOpera qu’elle a créés, l’un à Amsterdam, en 2000, l’autre en Bretagne en 2015.

Elle m’a expliqué comment faire vivre et partager sa passion pour l’opéra tant aux Pays-Bas qu’en Bretagne, voyageant entre l’opéra baroque et l’opéra-comique, « pour tous et toutes ».

Revisiter l’opéra

Après une première formation en flûte traversière en France puis en flûte baroque au Conservatoire Royal de La Haye célèbre pour la musique ancienne, Frédérique a continué ses études au Conservatoire d’Amsterdam, en direction de chœur et d’orchestre.

Avec son Trio Il Galante, elle a été lauréate en 1992 du Concours international van Wassenaer pour la musique ancienne, le plus ancien concours néerlandais pour les ensembles de musique ancienne.

Frédérique ayant pour objectif d’inviter la musique ancienne au XXI^e siècle afin de la faire goûter au plus grand nombre, elle revisite opéra baroque et opéra-comique, proposant des mises en scène novatrices.

Autour du changement de siècle elle est active en Bretagne et aux Pays-Bas, avec des productions combinant musique ancienne et théâtre contemporain.

Ainsi, Présidente et Directrice artistique de l’ARMA (Art lyrique et musique ancienne), Frédérique dirige les Opéras d’été de Dinard depuis 1999. En 2004, le raffinement de son ensemble instrumental baroque est associé à la magie du Théâtre de Marionnettes d’Amsterdam dans « La Flûte enchantée », l’Opéra-Féerie de Mozart car « comme la musique, les marionnettes créent un lien entre rêve et réalité. La musique est leur langage » (Joseph Haydn). « Les marionnettes créent la poésie et le charme propices à notre vision intimiste de l’opéra ».

Les créations à Dinard rayonnent dans toute la Bretagne, où la vie artistique et culturelle est particulièrement soutenue par la Région et différents réseaux associatifs et professionnels, puis en France et à l’étranger en particulier aux Pays-Bas ; les productions créées à Amsterdam, avec le BarokOpera Amsterdam, sont reprises en Bretagne.

Frédérique Chauvet souligne que l’opéra-comique vient du monde des foires, où la musique alterne avec la comédie, le cirque, les ombres chinoises etc… L’opéra crée d’autres mondes, imaginaires, exotiques,  qu’elle cherche à mettre en valeur en revisitant ces œuvres des XVII^e-XIX^e siècles par une adaptation contemporaine.

L’opéra pour tous et partout

Frédérique : « L’opéra pour tous et partout. C’est ce que je fais depuis quinze ans ; et aujourd’hui c’est une tendance que les pouvoirs promeuvent. Je fais un travail de reconstitution historique des œuvres, je les revisite, les adapte pour les ouvrir à un public plus large ».

En Bretagne et aux Pays-Bas, Frédérique Chauvet, très consciente de sa responsabilité sociale met ses compétences artistiques au service de l’éducation : « Les enfants sont sensibles à l’éducation artistique et s’il y a quelque chose d’égalitaire c’est bien cela ».

Aux Pays-Bas, elle s’adresse aux élèves du secondaire et des écoles de musique, leur transmettant un savoir sur la musique et leur permettant de faire connaissance avec la musique baroque : à Hengelo, par exemple, après un jour de répétition avec les musiciens du BarokOpera Amsterdam, les élèves jouent la légende de King Arthur un spectacle avec chant et récit, à Utrecht les élèves du gymnase composent eux mêmes leur pièce de théâtre lyrique.

Elle s’adresse aussi aux adultes, donnant des introductions aux représentations ou des conférences dans les Alliances françaises par exemple ; elle explique le concept artistique de ses productions théâtrales, les liens entre la musique ancienne et le récit, le contexte historique qui permet de mieux connaître et comprendre la musique.

En Bretagne, son engagement social est de longue date, avec des actions culturelles centrées sur la musique, avec des représentations spécialement pour les enfants des écoles et des centres aérés ou pour les hôpitaux : « Depuis 2013, chaque été, une représentation a lieu dans la Cour d’honneur de l’hôpital psychiatrique de Rennes […] Transformer pour un moment un lieu difficile à investir en endroit de plaisir et de partage, quel beau défi ! ».

Dans des villes de plus en plus nombreuses, elle intervient pour les équipes soignantes et les patients enfants et adultes d’hôpital psychiatrique, les personnes âgées dans les EPHAD, leur proposant rencontres, échanges, ateliers de pratique scénique et vocale.

« Ces projets permettent aux participants d’apprivoiser leurs émotions par la pratique, de partager, d’écouter l’autre, de prendre confiance en soi et en l’autre, de lâcher prise, connecter son corps et ses sensations… ».

S’engager pour tous les publics et construire le public de demain, en faisant connaître et expérimenter l’art lyrique fait partie de sa mission et chacun a pu se rendre compte, en ces périodes de contrainte et de privation de liberté des dernières années, de l’importance de la musique pour (sur)vivre.

Des compétences pluriculturelles au service du développement de la culture musicale

Présidente de la Fédération des festivals de musiques classiques en Bretagne, Frédérique Chauvet est fière de mettre au service des associations bretonnes qui organisent des festivals, les compétences qu’elle a développées aux Pays-Bas pour organiser, travailler efficacement et demander des subventions. Elle retrouve en Bretagne, « terre de fédérations »,  l’esprit de collaboration qu’elle apprécie tant aux Pays-Bas.  En échange, elle apporte aux Pays-Bas une réflexion sur l’avenir de la culture et sur la mise en valeur du patrimoine.

 Dans les deux pays, s’est mise en place une politique de partenariat à appliquer de façon judicieuse, avec discernement et « en valorisant le chainon des associations et de leurs bénévoles » – on connaît tous, les « amis de… / vrienden van …», « partners / partenaires » sans qui les lieux culturels fonctionneraient bien mal. Frédérique, à l’identité plurielle, s’y emploie avec succès pour transmettre sa passion pour la musique et l’art lyrique, portant un regard sur le passé, qui aide à appréhender le présent.