La visite de la sénatrice représentant les Français établis hors de France Hélène Conway-Mouret aux Pays-Bas les 15 et 16 décembre 2022, fut l’occasion de deux journées de rencontre et d’échange sur tous les sujets qui concernent les Français aux Pays-Bas. Les conseillers de Français de l’étranger étaient conviés à accompagner la sénatrice et à participer aux rencontres et échanges.
Éducation
Au Lycée français Vincent van Gogh, nous avons été accueillis par Madame Ouardda Roubi-Gonnot, Proviseure et Monsieur Khalil Cheikh, Secrétaire général. Ils ont brossé un portrait concis et synthétique de la vie de l’établissement en gestion directe, qui se situe à La Haye pour les classes de la maternelle au baccalauréat et à Amsterdam pour les classes de primaire.
Trois sujets retiennent l’attention et demandent une veille active :
– les effectifs diminuent en primaire alors qu’ils augmentent en secondaire, ce qui correspond à l’évolution démographique naturelle et migratoire du pays
– l’inflation est particulièrement élevée aux Pays-Bas et touche les familles qui par ailleurs sont confrontées à une hausse des frais de scolarité
– la santé des élèves, petits et grands, est affectée par les conditions de vie de ces dernières années (COVID) et la situation mondiale actuelle (guerre, environnement), se traduisant par un mal-être profond et préoccupant chez les jeunes. Le choix du lycée d’avoir partagé l’accompagnement sanitaire en un demi poste d’infirmière et un demi poste de psychologue se révèle très pertinent.
L’ouverture de l’enseignement français à l’international est très appréciée, que ce soit l’option (en primaire) et la section (en secondaire) européenne ou la section internationale américaine (SIA) qui va, dès la session de 2024, déboucher sur le Baccalauréat français international (BFI), nouveau dispositif de parcours bilingue. 30% des diplômés du lycée (environ 90 bacheliers par an) poursuivent leurs études dans des établissements supérieurs aux Pays-Bas, et 60% le font en France.
Société : Parité Homme-Femme, situation et choix politiques
À l’Alliance française de La Haye, la directrice Hélène Pichon qui est aussi coordinatrice du réseau des Alliances françaises aux Pays-Bas a animé une rencontre entre la sénatrice et ancienne ministre Hélène Conway-Mouret, Secrétaire de la Commission des Affaires étrangères, de la Défense et des forces armées du Sénat et Maria van der Hoeven, ex-députée et ancienne ministre de l’éducation et de l’économie, sur le thème de l’éducation, la parité et le partage des responsabilités.
La place des femmes dans la société de nos deux pays a été envisagée par ces deux femmes à partir de leur expérience personnelle d’exercice de responsabilités dans la sphère publique et aussi dans la sphère privée pour la Néerlandaise qui a dirigé de 2011 à 2015 l’Agence internationale de l’énergie à Paris (IAE) et est aujourd’hui Administrateur indépendant et Présidente du Comité d’Audit dans le Conseil d’administration de la Société TotalÉnergies SA.
Toutes deux reconnaissent que si le rôle de l’éducation est essentiel, celui de femmes qui peuvent servir d’exemple et de modèles l’est tout autant. Aujourd’hui la visibilité des femmes augmente dans la vie sociale et politique mais trop lentement encore.
Aux Pays-Bas, Maria van der Hoeven était la seule femme ministre dans le premier gouvernement Balkenende en 2002-2003 ; vingt ans plus tard, il y a parité hommes-femmes dans le gouvernement Rutte IV (2022-). En revanche, au Parlement, il y a en 2022, 57 femmes sur les 150 députés (à la Deuxième Chambre), et 23 femmes sur les 75 élus au Sénat (Première Chambre).
La France connait une progression plus longue et lente depuis les postes de secrétaires d’état (aux questions sociales algériennes de 1959 à 1962, à l’éducation nationale en 1968), la nomination de Simone Veil ministre de la santé de 1974 à 1979, puis celle d’Édith Cresson comme Premier ministre de François Mitterrand de mai 1991 à avril 1992. Si en 1995 Alain Juppé a constitué un gouvernement qui compte près de 30% de femmes – que l’on dévalorise en les appelant « les juppettes » et qui, pour les deux-tiers seront congédiées au bout de six mois, c’est Lionel Jospin qui fait voter la loi du 6 juin 2000 permettant l’entrée des femmes en politique en décidant de la parité hommes-femmes dans les fonctions électives, obligeant les partis politiques à inscrire autant de femmes que d’hommes sur leurs listes de candidature aux élections (municipales pour les villes de plus de 3.500 habitants, régionales, européennes et sénatoriales).
Dès 2012 et pendant tout le quinquennat de François Hollande la parité au gouvernement est une réalité mais Christiane Taubira, ministre de la justice, est la seule à occuper un ministère régalien. Depuis l’élection d’Emmanuel Macron en 2017, le gouvernement qui a été strictement paritaire pour 75% du temps est aujourd’hui à majorité féminine, la Première ministre faisant pencher la balance.
Face au problème de la (dis)parité dans le monde du travail et en politique, la question des quotas et de la discrimination positive fait débat, tout comme l’importance de légiférer en la matière.
En France, les Assises de la parité ont entre autres pour objectif de constituer des viviers, essentiels pour les besoins des entreprises. Les cordées de la réussite (pour favoriser l’égalité des chances, dispositif d’accompagnement des élèves depuis la classe de 4e) dont Hélène Conway-Mouret est marraine, sont aussi un bon exemple de la possibilité de changer les choses par la confiance et l’intérêt que l’on porte aux jeunes filles qui découvrent leur compétence, leur capacité à se développer, à oser prendre des risques, à aller au-delà de soi-même.
Une remarque souligne l’importance du rôle joué par les religions dans les sociétés comme marqueur de la place de la femme/des femmes. Si des repères religieux restent patriarcaux, il y a, au XXIe siècle, des femmes qui sont des figures spirituelles dans la tradition juive – Delphine Horvilleur nommée rabbin à Paris en 2008 pour le Mouvement juif libéral de France et aujourd’hui une des six femmes rabbin exerçant en France, musulmane – Kahina Bahloul, la première imame de France depuis mai 2019, ou chrétienne – Anne Soupa se déclarant candidate à l’archevêché de Lyon. À propos de rolmodel !
Économie
Au Consulat général de France nous avons rencontré les acteurs de l’équipe France Export aux Pays-Bas, Sylvie Craenen directrice de la Chambre de commerce, CCI France-Pays-Bas à Amsterdam, organisme privé, Aurélien Giraud pour Business France, agence publique et Benoit Lemonnier pour le service économique régional de l’ambassade de France aux Pays-Bas, tous trois dirigeant des équipes au service des relations économiques France-Pays, des exportateurs français vers les Pays-Bas et des investisseurs néerlandais en France. Leurs missions de service public et de service privé sont complémentaires, avec pour objectif d’aider les entreprises françaises à se développer à l’international, aux Pays-Bas en l’occurrence.
Il est intéressant de noter que 160 Volontaires Internationaux en Entreprise (VIE) sont aujourd’hui actifs dans 70 entreprises aux Pays-Bas.
Le dynamisme de la CCI France-Pays-Bas qui fait partie du réseau de 125 chambres dans le monde, est notoire et efficace pour promouvoir le commerce, accompagnant les entreprises dans leur développement et leur offrant des services complets. Innovant constamment pour renforcer les relations d’affaires France-Pays-Bas, elle fait le pont entre les corporate et les startup très actives dans les secteurs de l’agro et de la tech.
Enfin l’analyste de la situation (macro)économique néerlandaise s’est interrogé sur la croissance, mentionnant les crises – inflation due à la situation énergétique et à la nécessaire réduction des émissions d’azote, pénurie de logements et pénurie de main d’œuvre dans tous les domaines, qui agitent la société néerlandaise.
Culture
En fin de journée, la francophonie aux Pays-Bas a été abordée de deux façons.
Au musée municipal d’Amsterdam (Stedelijk museum), en compagnie de François Alabrune, ambassadeur de France, la visite de l’exposition Bad Color Combos (films, installations, compositions) œuvres de Yto Barrada, artiste franco-marocaine qui propose une vision autre du modernisme a illustrée la richesse de la francophonie à l’international.
Dans un espace de la Bibliothèque municipale d’Amsterdam (OBA, Hallen), Monsieur l’ambassadeur a, en présence de la sénatrice, lancé pour les Pays-Bas, le réseau France Alumi des étudiants néerlandais ayant fait une partie de leurs études en France, que ce soit dans le cadre des échanges ERASMUS ou comme lauréats de bourses d’excellence Descartes ou du Prix de Paris.
Ces Néerlandais francophones sont de véritables ambassadeurs de la culture française aux Pays-Bas, présents dans les entreprises, les ministères, les écoles et les universités (Niek Pas à Amsterdam UVA, Maaike Koffeman à Nimègue RU Nijmegen) ou encore les media (René Moerland, rédacteur en chef du quotidien NRC).